Clowns Sans Frontières ® Marine Louvigny – Madagascar 2015

Terrain

Mission accomplie à Madagascar

Clowns Sans Frontières s’est envolé à Madagascar du 28 juillet au 19 août 2018 dans les
régions d’Antananarivo, d’Antsirabe, de Mananjary et de Fianarantsoa pour proposer des
ateliers et des spectacles à des enfants en détention et aux enfants des rues.

CSF intervient à Madagascar depuis 2000 en collaboration avec le réseau national de lutte contre le sida MAD’AIDS et le groupe de musique Telofangady. Le pays est touché par une extrême pauvreté en partie due aux crises politiques et économiques successives et aux catastrophes climatiques très préoccupantes. Avec un IDH (Indice de Développement Humain) les plus faibles au monde avec la 155e place sur 187, il accuse une mortalité infantile élevée, de graves problèmes de malnutrition et un taux de scolarisation bas. Ce contexte favorise entre autres la délinquance infantile, la prostitution et accentue la vulnérabilité des enfants. Clowns Sans Frontières propose depuis 18 ans des activités artistiques pour améliorer le quotidien des enfants les plus vulnérables.

Un contexte difficile pour les enfants vulnérables

Plusieurs constats inquiétants peuvent être évoqués notamment sur les violences physiques et sexuelles envers les enfants à Madagascar.

D’après une étude nationale commanditée par l’Etat et UNICEF publiée en 2018 et portant sur les violences à l’égard des enfants, un jeune sur deux affirme avoir subi des violences en milieu scolaire, neuf sur dix déclarent avoir été victimes de châtiments corporels au sein de la famille. La violence physique est largement acceptée quand elle est infligée par les parents pour l’éducation. Les enfants sont par ailleurs vulnérables au viol, et la prostitution enfantine est rarement considérée comme une violence sexuelle car le consentement du mineur est « acquis ». D’après les éducateurs d’ECPAT France (ONG de lutte contre la prostitution des mineurs et la pornographie infantile et partenaire de CSF), la prostitution de mineurs s’est largement développée au cours des dix dernières années. Avec un âge moyen de 13 ans pour les filles et de 14 ans pour les garçons, toutes les tranches d’âges sont touchées. La plus visible est celle des filles de 15 à 17 ans ayant atteint la puberté. La prostitution des enfants pré-pubères est davantage tabou, souvent cachée bien que ce fléau fasse de nombreuses victimes.

Le mariage précoce est encore une pratique courante. Près d’une fille mineure sur deux est mariée ou vit en « union libre » et se trouve en situation de vulnérabilité extrême face aux violences sexuelles et physiques, d’après l’UNICEF. Pour les parents, de tels arrangements  peuvent permettre d’éponger une dette, de réduire le nombre de bouches à nourrir, ou encore d’établir des liens avec une autre famille ou de « laver l’honneur » d’une victime de viol.

Enfin, selon l’ONG Grandir Dignement, sur les 850 mineurs âgés de 9 à 18 ans incarcérés à Madagascar dans les 38 Maisons centrales et les 2 Centres de rééducation pénitentiaire du pays, 80% sont en détention préventive. Un tiers des enfants incarcérés n’est pas séparé des adultes détenus, et l’absence et le manque d’espaces intimes en milieu carcéral expose les
enfants aux violences physiques et aux abus sexuels. Du fait de l’éloignement des centres de rétention, les liens familiaux, essentiels pour le développement de l’enfant, sont difficilement conservés et totalement dégradés. Cette situation favorise l’exclusion et accentue les troubles
psychosociaux.

La mission de Clowns Sans Frontières

À Madagascar comme ailleurs, Clowns Sans Frontières s’associe à des partenaires de terrains (associations et ONG locales et internationales, Ministère de la Justice, autorités locales, écoles…) pour intervenir prioritairement auprès des enfants en situation de précarité extrême et de grande vulnérabilité. Grâce à la complicité de Clowns Sans Frontières et du groupe de musique malgache Telofangady, et avec le soutien de MAD’AIDS, il a été possible de développer un outil de prévention primaire inspiré d’un jeu traditionnel malgache appelé Tantara.

La mise en pratique de cet outil prend appui sur des ateliers artistiques ludiques, centrés sur l’expression des enfants réunis en petits groupes. Ces ateliers sont suivis d’un spectacle dont la trame narrative est inspirée des récits issus des ateliers.

Lors des ateliers Tantara, l’expression artistique et l’attention portée à la parole des enfants favorisent la mise en confiance et l’estime de soi. Ces moments privilégiés permettent à chaque participant de prendre conscience de l’existence d’un libre arbitre qui ouvre de nouvelles perspectives. Par ce biais, l’association essaie de prémunir ces enfants vulnérables contre les atteintes physiques et morales auxquelles ils peuvent être confrontés et de sensibiliser les éducateurs aux droits des enfants.

Une pochette comprenant un kit pédagogique Tantara a été créée pour assurer sa transmission aux animateurs, éducateurs et artistes à Madagascar. Ce kit pédagogique comprend : un livret retraçant les étapes de l’atelier, l’ensemble des chants, les règles du jeu et l’explication des différents rôles, ainsi que le conte « setoakisoasi » qui a été écrit suite aux premiers ateliers Tantara réalisés (en 2014 et 2015). Ce support est conçu comme un outil pédagogique à la portée de tous les animateurs, éducateurs, enseignants, qui pourront s’approprier librement le jeu, s’en inspirer et l’adapter selon leurs besoins et leurs envies.

Cette mission a été rendue possible grâce au généreux soutien de la fondation Pierre Bellon et de l’agence de voyage Malagasy Tours qui nous ont accompagné financièrement et logistiquement dans toutes les étapes de la mission.